Il n'est pas d'ici

par **Lafleur** Sam 20 Fév - 14:15

-Cinq minutes, c'est tout ce que je demande!
-C'est trop!
-Mais qu'est-ce que c'est cinq minutes?
-C'est long et tu sais pourquoi!
Il le repoussa de la main, son regard froid planté dans celui de son ami, Nerio. Il approcha ensuite de ses parents, les inspectant. Ceux-là ne comprenaient pas, ils étaient perdus, leur esprit ne parvenaient pas à comprendre.
-Nous avons heureux de te voir! dirent-ils à l'unisson.
Leur sourire innocent était à en fendre le coeur, mais Victor poursuivit la démarche, c'était la loi. Il ne le voulait pas, mais il était payé pour ça.
-"Comment faire du mal à quelqu'un qui est heureux de te voir?" pensait-il, bouleversé. Son esprit cherchait à comprendre.
-Nous ne sommes pas les papiers! dit le père avec un grand sourire.
Nerio tapa sa main sur son front, tout était sûrement perdu, mais il continuait. Il insistait.
-Avons!
-Avons... répéta Victor pensif. "Ca prouve bien la connerie humaine, nous ne sommes pas les papiers..." souffla Victor pour lui-même. Pas de papier, c'est là loi, déclara-t-il ensuite d'une voix haute et claire.
Il avait tendu son bras vers la porte, mais les parents ne comprenaient pas, et continuèrent de sourire, l'un collé à l'autre, ignorant la Loi.

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Une heure plus tôt.

-Vous êtes... ?
-Abandonnés? Perdu? répondit la mère peu sûre d'elle.
-Non, ni abandonné, ni perdu, vous êtes... ?
-Acceptés! dit le père fièrement de son mot.
-Non, pas encore!
-Aimés?
-Non, pas aimé! Aimé et acceptés ça n'est pas la même chose.
-Qu'est-ce que c'est? lança le père, surpris, d'une traite, comme un enfant qui ne comprendrait pas un exercice.
-Aimé et accepté, c'est différent, c'est... comment dire... Oui, bon, on va dire que c'est pareil. Bien, ensuite?
-Nous avons heureux de te voir! dit la mère joyeuse.
-Pas avons, sommes!
-Non, avons! insista le père.
-Non, sommes, du verbe "être"!
Le père se tut, et parut en colère.
-Si tu veux vivre ici, il faut que tu apprennes! Les gens ici, disent que c'est la plus belle langue du monde! Pour acheter du pain, faire tes courses, ton métier, il faut que tu l'apprennes!
-Non! C'est nous qui possèdons la plus belle langue du monde, dit la mère bien décidée.
Nerio soupira. Ca n'allait pas être facile.
-Même si notre pays n'existe plus, il est encore vivant, et est toujours le plus beau! reprit-elle avec un grand sourire.
-Non! Avec toi, tout est toujours plus beau! Les oiseaux, les chansons, même les patates bouillies sont les meilleures parce qu'elles sont bouillies dans l'eau du pays! cria Nério, exaspéré. Il faut changer! Vous n'êtes plus ici chez vous! Mon amie va venir dans... deux heures. Allez on reprend.
-Nous... sommes heureux de te voir!
-Bien. Continue.
-Nous n'avons pas les papiers, dit ensuite le père.

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-Ne les écoute pas! Je peux t'expliquer! dit Nério paniqué, ne sachant pas quoi faire.
-M'expliquer quoi? Les histoires sont toujours les mêmes, seuls les noms changent. "Après tout pourquoi pas? Non, c'est une mauvaise idée", pensa-t-il.
Les parents ne se décidèrent pas à bouger, ils ne savaient pas. Victor s'avança vers eux, pour le prendre le bras, mais Nerio s'interposa, bloquant Victor, qui bientôt lui fonçait dessus. Le père s'en mêla, sans comprendre, mais son fils le faisait. Soudain, deux coups de feu. La bagarre cessa aussitôt, et Victor qui avait fait trois pas en arrière, regarda son pistolet. Il manquait deux balles dans le chargeur. Tout les yeux se rivèrent sur l'arme, puis sur Victor. Le corps du père s'effondra, et la mère se jeta dessus dans un désespoir total.
-Assassin! vociféra Nério sur son ancien ami, qui semblait perdu, troublé.
Nério écartait les bras, et hurlait des injures dans sa langue natale.

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Centre de rétention provisoire.

La mère pleurait, Nério était à ses côtés.
-Là-bas, dit-elle pour elle-même, c'est la guerre. Ils vont nous renvoyer, comme des amis qu'on accompagnerait jusqu'à la porte. Mais de l'autre côté, il y a quoi? La frontière, c'est quoi? Ton frère est encore là-bas, il vont d'obliger à combattre, et contre lui... Vous allez vous tuer!
-Mais maman, il me reconnaîtra!
-Ca fait maintenant quinze ans que tu n'es plus là, nous n'aurions jamais du venir! Lequel de mes deux fils tirera le premier? ...