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Message par Lafleur Sam 18 Oct - 20:22


ELEGOR








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La représentation classique d'Elegor

Il est un monde qui n'est pas compris dans l'espace, qui ne respecte pas les lois physiques que nous connaissons, qui n'est pas sur une planète. Ce monde est métaphysique, il est l'oeuvre des dieux, eux-même l'oeuvre d'une volonté transcendante inexplicable. Le temps est une notion qui, comme celle d'espace, se voit bouleversée.
La représentation graphique la plus courante d'Elegor est un point central, duquel partent des lignes qui connaissent un départ, ce point, mais aucune fin, une sorte d'étoile aux branches infinies. Si la représentation devait être fidèle à la réalité, cette étoile fictive aurait une profondeur. Les branches de cette étoile ne communiquent pas entre elles, on ne peut passer communément de l'une à l'autre sans passer par le point central. Chaque branche est en fait un monde propre, qui connaît ses propres lois, conformes aux lois générales et supérieures qu'impose Elegor, qui désigne à la fois ledit centre, et ses branches lorsqu'elles ne sont pas distinguées les unes des autres. Chaque branche porte tout de même un nom qui lui est unique. Chaque branche est un monde inférieur en elle-même, mais chaque branche se vaut en terme de taille, puisque chaque branche est infinie.
Elegor-centre est une plateforme immense, à la manière d'une gare. Le nombre de quais de cette gare est plus ou moins fixe, et relativement visible. Les branches dites "principales", les mondes communs, possèdent des entrées (appelées Portails, ou Passes) très connues et quotidiennement empruntées par un nombre incalculable d'individus.



Elegor-centre et la notion d'énergie



..................Elegor-centre


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Les plaines disparues d'Elegor-centre



Elegor-centre est une plateforme immense, à la manière d'une gare. Le nombre de quais de cette gare est plus ou moins fixe, et relativement visible. Les branches dites "principales", les mondes communs, possèdent des entrées (appelées Portails, ou Passes) très connues et quotidiennement empruntées par un nombre incalculable d'individus.
A l'origine, Elegor-centre était simplement un champ fertile, traversé par de grands sentiers battus, et quelques auberges disséminées pour les voyageurs. La neutralité de cet immense lieu, et sa vacuité, ne sont pas l'objet du hasard : les dieux firent en sorte qu'Elegor-centre soit un lieu sûr pour les exilés. Les pèlerins étaient assez rares, les mondes étant plus hermétiques qu'aujourd'hui.
Aujourd'hui, Elegor-centre ressemble à une grande ville, avec en son centre une place toute aussi superbe que gigantesque où les portails des principaux mondes se font face. Commerçants en tout genre, mystificateurs, arènes, restaurants... tout y est condensé pour offrir aux voyageurs un séjour agréable. Cependant, les lois divines interdisent de prolonger les escales en Elegor. A chaque traversée de mondes, un passeport est remis aux visiteurs à leur entrée, et à chaque sortie, ce passeport est strictement vérifié et oblitéré. Ces contrôles ont une raison simple d'exister : les dieux ont conçu les mondes pour vivre, et Elegor-centre pour transiter. On y trouve cependant certains lieux uniques et indispensables. La Bibliothèque Universelle, par exemple, est l'unique lieu de ventes des livres célestes, manuscrits divers catégorisés selon les déités auteures et leurs préceptes. Ces bâtiments majestueux sont souvent une raison en soi pour se rendre à Elegor (la préfecture, la Panthéon, les chef-lieu des Guildes, les Temples Uns, l'Armurerie Une...)

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L'actuel Elegor-centre








..................L'énergie


Le centre géographique d'Elegor est théoriquement inaccessible, puisqu'il est situé au même endroit que la Place de Traverse (place principale), dans une dimension divine (voir illustration plus haut), et fut baptisé dans le Livre d'Anmar "Fontaine Une", "une" car elle est Tout, et l'origine de Tout. Physiquement, ce sont cinq cascades, qui déversent chacune une source d'énergie primaire (dit mana) (une bleue, une rouge, une verte, une blanche, et une noire). En contrebas, une immense étendue d'eau se divisant de tous côtés en fleuve, puis en rivières. Là-bas, aucune vie. La vie fut créée aux extrémités de ces fleuves, là où les énergies sont suffisamment diluées pour créer des organismes complexes.
Chaque être est constitué d'énergie. Pour autant, chaque être vivant est une synthèse de mana dérivés. Mana bleu et mana blanc s'entremêle pour former un mana cyan, pouvant lui-même être combiné avec un autre... Par extension, nous sommes tous constitués de manas ayant des degrés de croisement très complexes, formant une combinaison unique d'énergie. Les manatypes (combinaisons finales et inamovibles d'un individu vivant, pouvant être étudiés) ont deux origines : les êtres procréateurs, et le lieu de naissance. Le monde dans lequel on naît détermine à 25% notre constitution énergétique, le lieu précis (bâtiment, marais...) à 25% également, le père à 20%, la mère à 20% et la religion de la sage-femme (ou de l'aide à la procréation de manière plus générale) à 10%. D'autres facteurs peuvent parfois intervenir exceptionnellement.
Chaque individu est doté, dépendamment de son manatype (par définition très complexe), d'un Propens. Il s'agit du type de mana primaire dominant de l'individu (donc strictement blanc, bleu, vert, noir ou rouge).
Le manatype détermine le physique de l'individu, et le propens ses capacités.

Il est possible, en se plaçant sous la protection d'un dieu, en s'entraînant, ou naturellement (exceptionnel) de modifier son propens, ou d'en avoir deux (un majeur et un mineur). Seul les dieux les possèdent tous.
Lafleur
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Il fait froid, dehors.
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Message par Lafleur Dim 19 Oct - 13:55

"Klein. Klein. Réveille-toi.
-Mmmh... ?
-Lève-toi."
Klein était encore enfoui sous sa couette. Il daigna sortir un œil pour percevoir la large silhouette de son père, voilée par l'obscurité. Les premières lueurs du soleil s'infiltraient par les persiennes. La petitesse de la chambre de Klein n'atténuait pas son charme, à l'image de sa maison, une modeste longère faite de pierre et de bois, qui tirait son caractère d'une décoration chargée et d'un agencement biscornu. L'omniprésence du bois témoignait des revenus modestes de son père. Son village, Lesconie, vivait essentiellement de l'abattage et de la revente de bois en gros pour la Chancellerie de Formont.

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Maison-mère de Lesconie


Klein avait récemment fêté ses vingt-trois ans. La pauvreté de la région voulait que les familles vivent dans la même maison tant qu'ils ne changent pas de monde, ou que la taille de la maison ne permettait plus d'abriter un autre individu. Klein et son père vivaient seuls dans la leur, une situation confortable qui leur valait cependant le regard méprisant de certains villageois : une maison pleine est synonyme de famille bien portante et donc influente, avec des revenus confortables. La mère de Klein avait été tuée dans un des nombreux raids que subissait Lesconie lorsque des groupes de bandits se rendaient dans les sanctuaires situés à quelques kilomètres du village. C'était courant. Lesconie était situé à la frontière du Comté de Fomont, en Mirrodin, monde principal de Lumière dominé par le mana blanc.
Aujourd'hui, c'était la Redevance pour Klein. Cette étape obligatoire de la vie d'un individu consiste pour les parents à transmettre le tutorat qu'ils avaient envers leurs enfants à un dieu désigné aléatoirement. Un courrier du Pontificat d'Elegor leur fut adressé il y a quelques semaines à cet effet.  L'on se met sous la protection d'un dieu pour déterminer un certain nombre de capacités défensives, servant ultérieurement dans des situations de crises. Ces dons peuvent plus tard être exploités de manière plus aboutie pour se former au combat par exemple, mais dans Elegor, tous les individus peuvent avoir recours à des pouvoirs divers pour assurer leur survie. Ces facultés ne sont pas nécessairement mortelles, offensives, ce cas étant d'ailleurs plutôt rare. Il s'agit de techniques proches du subterfuge visant à pouvoir s'évader, à changer de formes momentanément... autant de possibilités que l'imaginaire des dieux peut en inventer.
Klein avait été très curieux concernant cette cérémonie de petit comité. Traditionnellement, la famille entière y assiste dans le temple du village. Mais les parents de Klein se sont installés à Lesconie alors que leurs familles, issues d'un autre Comté de Mirrodin, ne pouvaient plus tolérer de nouveaux arrivants. Le père de Klein, Bralud la Hache Courbée, un homme taciturne et bourru qui devait son charisme à sa musculature de bûcheron aguerri, lui avait expliqué très brièvement les choses, attristé par l'obligation de devoir céder son rôle de protecteur. Désormais, il n'aurait plus personne sur qui symboliquement veiller, sa femme étant décédée, et son fils bientôt placé sous la bannière d'une déité quelconque. Klein était lui tiraillé entre l'excitation de la découverte, et l'appréhension.
Il quitta finalement de son lit, et découvrit les vêtements que son père lui avait spécialement acheté pour l'occasion. C'était une tunique noire, rappelant celle des jeunes dévots dans les histoires, qui s'entichaient de magie noire.
"C'est l'uniforme des redevants. C'est moche mais y a pas l'choix, donc tu l'enfiles, on mange, et on se met en chemin, lâcha Bralud, l'humeur bougonne.
-Oui papa, merci."
Bralud quitta la pièce sans rajouter un mot, pour préparer le petit déjeuner - du pain noir et du jus de baies-, un repas à la hauteur des revenus du foyer. Klein sentait son cœur accélérer progressivement au rythme des minutes. Il se rendit finalement dans la cuisine où dans le grand âtre, Bralud réalisait le jus de baies. Il ne regarda pas même son fils, vêtu de son habit de cérémonie, qui espérait au moins une petite vanne paternelle pour détendre l'atmosphère morose que son père faisait inconsciemment régner.
"Papa... dit doucement Klein en découpant deux portions de pain, je ne te demande pas d'être heureux aujourd'hui, mais... au moins, accompagne-moi jusqu'au bout comme tu l'as toujours fait.
-Tu causes avec des mots qui disent la vérité... J'aimerai bien, fils. Mais j'y arrive pas. Je suis un chef de famille, pas une assistante maternelle. Je fais avec mon fils ce que les hommes font ensembles, et ça m'plaît. Je les accompagne pas à la messe pour leur dire qu'un loufiat qui vit dans le ciel va les prendre en charge.
-Le dieu qui me sera attribué ne sera pas mon père, personne ne te remplacera, papa, répondit Klein après quelques secondes de silence. Toi aussi tu l'as vécu, ça a du te plaire, de te dire que tu serais à ton tour un homme qui n'aurait besoin de personne pour se défendre, non ?
-Oui." dit finalement Bralud, sur un ton qui implorait la fin de la conversation.
Le patriarche se dressa, s'éclipsa vers l'entrée derrière la cuisine, et enfila les bottes de cuir qu'il déposait systématiquement à côté du tapis. Un simple geste de la main suffit pour Klein à comprendre qu'il fallait partir. Le jeune homme suivit son père, en adressant à ce dernier un dernier sourire, resté sans réponse. La marche fut relativement courte jusqu'au temple de Lesconie, qui se situait près de la place principale où l'on bradait chaque matin des fagots de bois de la veille à petits prix. Mais à cette heure, personne n'était encore levé sinon les gardes de nuit qui allaient terminer leur service. Bralud salua d'ailleurs ces derniers qui firent de même, après avoir reconnu Klein dans l'habit traditionnel de redevant. Celui-ci les connaissait plutôt bien ; tous les jeunes hommes du village étaient convoqués, de temps en temps, pour remplacer un garde absent pour une quelconque raison. C'était un moyen, selon les autorités du village, de sensibiliser les futurs adultes à la guerre, de leur confier une responsabilité, tout en leur remplissant raisonnablement leur bourse. Klein eût un léger pincement au coeur en voyant ces gardes qui l'avaient initié au travail de vigie, car ils rappelaient aux jeunes non pas le danger ou le travail de surveillance, mais des parties de cartes endiablées au beau milieu de la nuit, accompagnées de leurs bouteilles d'alcool fort que les distillateurs distribuaient en échange d'un peu de compagnie. Lesconie était une grande famille, en dépit des éternelles querelles qui caractérisaient parfois le village.
Bralud et Klein atteignirent finalement le petit temple du village, très simple, qui s'intégraient parfaitement dans le style de Lesconie. Sur les marches, un vieil homme les attendait, serein, le visage transpirant de clémence. Klein n'avait jamais vu cette homme-là, et regarda son père pour voir si les deux hommes étaient familiers. Bralud s'arrêta avant la dernière marche, et fit signe à son fils de rejoindre le vieil homme qui avait tout l'air d'un prêtre lambda. Le silence était tellement pesant pour le jeune homme qu'il imaginait la moindre parole être un prétexte pour le blâme. Sans un mot, et sans demander pourquoi son père ne le suivait pas dans l'enceinte du temple, Klein mit sa capuche comme le prêtre semblait le suggérer en faisant de même avec la sienne. Les deux hommes franchirent le seuil du temple, et les portes se refermèrent comme par magie dans un fracas inattendu qui surprit Klein. A l'intérieur, de magnifiques vitraux laissaient pénétrer la lumière qui empruntait toutes les couleurs, illuminant le chemin des adeptes jusqu'à l'autel. Sur les côtés, l'aménagement classique des bancs de bois propres aux bâtiments religieux avait disparu, pour laisser apparent le magnifique marbre sur lequel il aurait semblé discourtois de marcher. Pour résumer, le temple avait été débarrassé au maximum de ses ornements pour ne laisser ressortir que l'essentiel : l'autel, qui, déjà, revêtait l'aura mystique qu'on lui prêtait dans le folklore Elegorien. Le prêtre, enfin, prononça quelques mots pour briser le calme religieux.
"Vous êtes seul, jeune Klein, mais votre seigneur comblera ce vide pour l'éternité. Avancez, je vous en prie.
-Pourquoi mon père ne peut-il pas entrer ? répondit sèchement Klein avant d'obéir aux injonctions du prêtre.
-Parce que Bralud la Hache Courbée a renié son Dieu, ce qui fait de lui un paria aux yeux de notre panthéon, rétorqua le prêtre, non étonné de l'intrépide question. Vous savez, l'insolence ne fera pas de vous un homme plus accompli, Bralud n'est pas un exemple dans notre village, ne prenez pas comme modèle un homme qui ne compte que sur ses bras. Ce serait, si ce n'est de la folie, de l'aveuglement. Un père est imparfait, car un père est humain. Les dieux, eux, sont parfaits. Pressons. On ne fait pas patienter les dieux. "
Le prêtre avait éveillé la plus totale curiosité en Klein, qui n'avait plus l'esprit à la redevance. Il n'avait que très rarement abordé la question divine avec son père ; ce dernier lui avait bien fait comprendre que c'était un sujet compliqué qui ne lui valait que des désaccords avec son entourage. Enfin, Klein regarda devant lui, et examina l'autel qui se présentait. Il consentit enfin à suivre son aîné et mentor religieux, qui tira une expression de satisfaction paisible.
Une fois devant le petit édifice, le prêtre stoppa net sa marche et se tourna vers son invité exceptionnel.
"Ne faites pas la même erreur que lui. Je vais abandonner mon discours de fervent prêtre auquel vos oreilles sont hermétiques. Pour dire simplement les choses, être athée ne vous mènera nulle part. Les athées ou les hérétiques sont de plus en plus nombreux, et si tel est leur choix, nous ne pouvons rien y faire. Les Dieux l'avaient compris à la création du monde : les humains fabriqueront leurs propres idéaux pour être indépendants. Elegor n'a pas prévu de système d'inquisition et pour cette raison vous êtes libre de refuser l'Aide Divine. Mais comprenez qu'il en va de votre intérêt. Sachez enfin qu'en acceptant la protection qui va vous être accordée, cela vous engage. Votre père n'est pas seulement un athée, il a brisé cet engagement. Et c'est cela, que nous blâmons, nous autres messagers des dieux."
Klein ravala son assurance pour ne laisser plus transparaître qu'un soudain sérieux qui plut à son interlocuteur. Il acquiesça simplement. Le prêtre, désormais proche de l'autel, s'approcha de celui-ci, le contourna et saisit dans un coffre implanté au sol un grand sceptre de bois, lisse. Revenant sur ses pas, il fixa Klein, et l'invita à s'agenouiller devant l'autel.
Sans un mot, le prêtre frappa le sol qui commença à vibrer violemment. L'atmosphère se réchauffa immédiatement, les vitraux devinrent sombres et le peu de lumière dont le temple bénéficiait provenait de l'autel qui s'enveloppait d'un épais halo violet.


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Il semblait raisonnable à Klein, dans une si exceptionnelle circonstance, de fermer les yeux et de faire preuve d'humilité. Enfin, tout s'arrêta. Les vibrations, le halo. Lorsque le jeune homme rouvrit les yeux, il put découvrir qu'il était seul dans le temple, dans l'obscurité la plus totale. Il lui était parfaitement impossible de distinguer quoi que ce soit à plus de quelques centimètres de ses pieds. La pénombre était palpable. Puis rien.




Une voix encore peu audible parvint jusqu'à Klein. Il était allongé, les yeux fermés, encore abasourdi. La surdité des bruits laissa progressivement place à un violent son strident qui l'obligea à reprendre conscience. Lorsque ses paupières purent enfin se mouvoir, le visage tranquille de son père lui apparut. Bralud tapota la joue de son fils qui gisait dans son lit depuis des heures. Après de difficiles efforts, Klein nota que sa tunique noire était maintenant ornée de motifs violets sans signification apparente. Mais il ne la portait plus, elle était pliée sur sa table de chevet.
"A... alors ? demanda Klein, que l'incompréhension hantait.
-Abran je crois. C'est son nom. Connais pas. Le vieux était surpris, il a dit que ses derniers protégés étaient bien vieux maintenant. 'Fin en même temps, y en a tellement des dieux, dit Bralud, en soufflant. Klein ne répondit pas, il n'en avait pas encore la force. Le prêtre t'a laissé une lettre, reprit l'homme. Lis-la. Repose-toi, ce soir on va aux sanctuaires."
Sans rien demander de plus, Klein regarda son père sortir de sa chambre, et saisit délicatement le manuscrit qu'il n'avait pas remarqué, près de sa tunique.


Klein,
En temps normal, la redevance est calme et se caractérise surtout par un dialogue court et privilégié avec la déité désignée. Mais en matière divine il n'existe aucune règle absolue et il faut parfois composer avec l'inconnu. Les dieux sont occasionnellement capricieux ou réticents. De temps à autre, les protégés qu'on leur confie ne leur conviennent pas, cela arrive notamment lorsque l'être divin est belliqueux ou nocif. Cependant, tout puissants qu'ils sont, ils obéissent aussi à certaines règles auxquelles ils ne peuvent déroger. Rassure-toi toutefois, il n'existe aucune incompatibilité. Abran, puisque c'est ainsi qu'on le nomme, remplira son rôle, et tu rempliras le tien, tu ne profaneras pas son nom et tu l'accepteras, mieux, tu le porteras haut dans ton coeur. Ainsi en est-il.
J'ai demandé à ton père de t'amener aux sanctuaires près de Lesconie. Là-bas, il t'initiera aux arts du combat qu'un Homme doit nécessairement connaître, du moins ses rudiments, dans le monde si hostile et éphémère qu'est le nôtre. En espérant que la bénédiction d'Abran se manifeste. C'est le début d'un long chemin, Klein, celui de tous les Hommes.

Taël aux Yeux Blancs, prêtre de Lesconie

Klein jeta la lettre au sol, anxieux, et scruta le plafond en méditant sur sa condition nouvelle. Il appréciait son quotidien cadencé par les petits boulots, il aidait son père à la découpe du bois, prêtait main forte au tavernier lorsqu'un groupe d'étranger faisait escale à Lesconie, jouait avec les gardes lorsqu'il ne se passait rien... Il n'avait jamais envisagé une autre vie qu'à Lesconie. L'infinité des mondes l'effrayait peut-être, mais partir à la découverte de nouvelles régions était une perspective qui le taraudait lorsqu'il s'ennuyait. Maintenant, il avait franchit la redevance, il était un homme. La vie qu'il menait, se disait-il à cet instant, n'était sans doute pas assez digne. Il n'avait pas de spécialisation, pas de diplômes, n'avait jamais visité les grandes villes de Mirrodin et encore moins Elegor-centre, ignorait tout des femmes, maniait mal l'épée... Cette étape était peut-être la dernière de son existence paisible. Des heures durant, en reprenant ses forces, Klein ressassait ces pensées qu'il lui était impossible de tarir. De plus, les conséquences de sa redevance étaient obscures à ses yeux. Cela lui plaisait, d'être distingué par une divinité. Dans le village, beaucoup se vantaient d'être protégés par telle ou telle divinité, et les autres s'estimaient meilleurs, ce qui donnaient parfois lieu à des combats ridicules, selon les prêtres : les divinités ne protègent pas directement les personnes, elles leur lèguent des capacités que les protégés sont libres d'exploiter ou non. La valeur d'un homme ne se juge donc pas au dieu qui le protège, mais à la manière dont il se protège lui-même grâce aux faveurs qu'on leur accorde. Fort de cette réflexion, Klein se décida définitivement à suivre les enseignements que lui prodiguerait son père.
Il se leva, s'habilla, et rejoint son père dans le jardin qui, à son habitude, taillait du bois selon les commandes journalière.
-Papa ! s'exclama Klein.
Bralud leva la tête et posa sa fameuse hache plus courbée que la normale, de laquelle il tirait son titre dans le village. Il essuya son front, et attendit que son fils poursuive.
-Les sanctuaires nous attendent.
Un sourire s'esquissa sur le visage renfrogné du bûcheron. Il prit sa hache de découpe, rentra dans son cabanon à outil, et en ressortit quelques instants plus tard avec une hache beaucoup plus imposante, avec un manche beaucoup plus long, sur lequel était inscrit "Haäk". Il se dirigea vers la maison, lui tapa sur l'épaule au passage, et l'incita à rentrer avec lui. Les deux hommes préparèrent leurs affaires, nourriture et autres victuailles, et, une fois prêts, sortirent par l'entrée principale en direction du village.
-Où va-t-on ? demanda Klein, joyeux.
-A la taverne. C'est la coutume. On f'sait ça pour dire nos derniers mots au cas où...
L'adrénaline commença à se répandre dans le sang de Klein, l'excitation du danger le gagnait. Mais le visage confiant de Bralud le rassurait. A la taverne, on reconnut rapidement à leur accoutrement et à leurs sacs qu'ils partaient en expédition. Un salut général, quelques accolades et diverses blagues, puis Klein et son père empruntèrent le chemin pour sortir du village. La nuit commençait à tomber.
-On va passer par le Hameau-Loin. En fait c'est pas très loin. Mais comme les gens qui y habitent rentrent soûls chez eux, ça leur semble toujours loin. Les noms qu'on donne sont pas toujours très beaux.
-Jamais entendu parler, répondit Klein, surprit de ne pas connaître tous les environs de son village. Et... dis-moi, quel dieu t'a été attribué lors de ta redevance ? Tu n'en parles jamais.
-Chavlam. Lorsqu'il se manifestait dans notre monde physique, c'était une énorme bestiole carnassière pleine de mousse. Il gueulait. Je l'ai jamais vu, mais les histoires en disent beaucoup de mal... Les dieux lorsqu'ils viennent par chez nous, sont souvent horribles.
-Et... pourquoi l'as-tu renié ?
-C'est pas le moment de t'en parler.
Klein comprit qu'il ne fallait pas insister. Ils arrivèrent finalement dans la forêt, après une grosse demi-heure de marche. Dans la pénombre, on apercevait le contour des maisons du Hameau-Loin. Bralud calma le rythme de la marche, pour finalement s'arrêter totalement.
-Pas de lumières. Personne ne dort à cette heure. Pas normal.
Les deux hommes s'avancèrent doucement, focalisant leurs regards sur les volets clos. Le bruit de leurs bottes s'enfonçant dans la terre humide était le seul qui fût audible. Bientôt, ils franchirent le hameau complètement. Bralud faisait profil bas, et demanda à son fils de se dépêcher. Ce dernier, sans broncher, suivit les consignes. Au niveau d'un ancien moulin abandonné, Bralud s'aventura dans les hautes herbes environnantes, cherchant apparemment quelque chose de bien précis. Klein observait, sceptique, les mouvements de son père. Quelque chose n'était pas normal et l'attitude de son père l'inquiétait. Le père s'accroupit finalement, tandis que le fils découvrait l'objet de la recherche.

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Klein tenta de garder son sang-froid, tandis que Bralud ne laissait transparaître aucun signe de panique. Il frappa doucement le cadavre à la tête. Après quelques secondes d'attente insoutenable pour le sens logique de Klein, le corps putréfié prit doucement forme humaine. Lorsqu'il eût revêtit une apparence charnelle et parfaitement normale, il leva les yeux vers Bralud et se leva, aux aguets.
-Et toi Bralud, comment va ? demanda l'étrange métamorphosé, d'une voix brisée témoignant d'un difficile réveil, en scrutant le Hameau derrière eux.
-C'est mon fils, Klein. On va aux sanctuaires.
-C'est bien... c'est bien... répondit l'homme sans vraiment prêter attention à la réponse. Son attention était toute accaparée.
-Que se passe-t-il ici ? lança Bralud à voix basse, après quelques instants, énervé par l'attitude fuyante de son interlocuteur.
-Les maraudeurs, ils sont là... prêts à attaquer... derrière les maisons... Tout le monde se cache...
Bralud saisit sa grande hache, Haäk, qu'il avait solidement attaché à son dos. Klein, observateur attentif, s'accroupit et chercha à distinguer dans l'obscurité des silhouettes dissimulées. L'étrange homme saisit une dague qui était posée à même le sol, à l'endroit où il était assis, mort, il y a quelques instants.
-A l'ancienne, Bralud...
-Chut, Josef. On va les trouver.
En diligence, Bralud et le dénommé Josef retournèrent vers le village en contournant par l'arrière une grande et riche demeure, la plus grande du hameau. Klein avait reçu l'ordre de ne pas intervenir, et de rester en arrière, mais braver un tel ordre ne saurait constituer une véritable erreur, se dit-il. Seulement, il n'avait pas d'arme. "Si mon père a pu trouver un cadavre qui ressuscite dans les herbes hautes, je vais bien pouvoir dénicher un objet tranchant dans les parages...". Le fait que ce trait d'humour ait pu lui traverser l'esprit le rassura quant à sa tolérance au stress.
Bralud avançait tel un prédateur, et Josef l'imitait.
-Le long des murs... chuchota Josef en levant les yeux, en direction des toits.
Mais il n'y avait rien. Bralud se tourna en direction des bois environnants, et tenta, alerté par un petit craquement de branches, de distinguer une silhouette. En s'approchant un peu, et en se concentrant, les deux équipiers purent distinguer une sorte de créature bipède, errer maladroitement dans les marécages.
-Phasixe... C'est la saison... soupira Josef. Je vais aller prévenir les gardes de Lesconie, il faut qu'ils fassent le ménage.

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Bralud enjamba quelques grosses branches mortes, s'enfonça dans les bois vers la bête. Klein fit de même par son côté, copiant les gestes de son père, qui ne le vit pas. Le bûcheron posa sa hache tout en fixant fermement le phasixe qui ne l'avait pas repéré. La physionomie ingrate du monstre en disait long sur ses attributs, l'absence d'yeux était compensée par une ouïe sur-développée qu'il ne fallait pas éveiller. Bralud fit volontairement craquer un tronçon de bois en frappant dedans, et se déporta sur sa droite en récupérant Haäk, souillée par l'eau croupie des marécages. La bête poussa un râle composé d'étranges cliquetis. Excitée, elle jaillit à une vitesse prodigieuse sur le tronçon que Bralud avait déplacé. Celui-ci brandit son imposante hache en silence, et s'apprêtait à frapper, mais Klein hurla.
-Derrière toi papa !
Bralud se retourna, et aperçu un autre phasixe qui lui bondit dessus. Projeté au sol, l'homme repoussait les morsures de la bête grâce à sa hache. Le premier phasixe avait lui entendu Klein et l'avait pris en chasse. Trop rapide pour le jeune homme, celui-ci avait compris que courir ne faisait qu'augmenter la précision de la bête à cause du bruit causé par les pas dans l'eau. Josef, caché depuis le départ, poignarda une dizaine de fois l'assaillant de Klein, qui tomba raide mort et déversa quelque mucus infâme dans l'eau déjà trouble. Plus loin, Bralud luttait mais sa position l'empêchait d'exploiter toute sa force, tandis que le phasixe, lui, avait l'ascendant clair. Alors que ses muscles devenaient douloureux, les tranchants d'Haäk se dotèrent d'un voile vert foncé qui tourna au clair, augmentant l'intensité lumineuse qui s'en dégageait. Il faisait nuit mais désormais, on voyait comme en plein jour grâce au scintillement de son arme. Bralud lâcha sa précieuse hache qui agit comme un être conscient : projetant le phasixe en arrière, elle se brandit seule et s'abattit violemment dans la gueule de la bête qui gémissait encore.
Klein n'en revenait pas, son père cachait un talent de guerrier époustouflant, mais taillait avec humilité du bois depuis des dizaines d'années. Josef ricana. Sa barbe mal entretenue était encore jonchée des particules vaseuses qu'il avait récolté pendant qu'il donnait la mort au phasixe. Il se recoiffa -si tant est qu'il le put-, et rejoint Bralud qui lui était définitivement familier.
-Je ne pensais pas revoir ça un jour... Mais tu t'es vraiment rouillé, bûcheron, railla Josef.
-Excuse-moi, mais j'pense pas que se faire passer pour un squelette berne encore quelqu'un ici. Ça t'ennuie pas de monter la garde comme ça et de conserver la même r'cette pour attraper de la racaille ?
-Non, tant que je suis payé à la fin du mois. On ne peut pas tous casser des rochers en regardant sa hache le faire.
-Avant on servait à quelque chose.
-Euh... tu m'expliques papa ? dit Klein en s'incrustant, ébahi, dans la conversation.
-Toi, y a encore pas mal de choses que tu sais pas sur Bralud la Hache Courbée ! ricana Josef.
-C'est pour ça que j't'emmène aux sanctuaires, gamin... Parce qu'il y a des choses que je dois t'apprendre, et parce que je t'interdis de rester à Lesconie toute ta vie. Tu crois que depuis que j'suis gamin je coupe du bois ?
Klein ne sut quoi répondre, émerveillé par la réponse, mais tout à la fois très concerné par le discours sous-jacent de son père.
-Josef, va prévenir la Garde de Lesconie, il doit y en avoir d'autres dans les parages.
-Mmmmh... Ca fera un tour en ville, répondit l'étrange vigile en soupirant.
-Quant à nous, Klein... on a encore du chemin.
Lafleur
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Il fait froid, dehors.
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